Ce que les patients attendent de leur médecin… et vice-versa (X) : La relation médecin-patient idéale existe-t-elle ?
Résumé : L’un des obstacles principaux à la bonne qualité de la relation médecin-patient tient sans doute au besoin qu’ont beaucoup de patients de trouver leur médecin idéal ; les patients qui réclament de leur médecin un changement d’attitude gagneraient cependant à se montrer plus actifs dans la relation avec leur médecin. La plupart du temps, les recommandations valables pour le médecin le sont aussi pour le patient, ainsi par exemple de l’empathie et de l’écoute.
Pour une relation médecin-patient pragmatique
Lorsque les attentes du patient vis-à-vis du médecin sont très nombreuses et importantes, la quête du bon médecin peut se transformer en quête de l’homme ou de la femme idéal(e) : une recherche forcément frustrante et fatigante, où la relation médecin-patient risque de se dégrader en proportion des déceptions vécues.
Du côté du médecin, le sentiment d’un manque de reconnaissance et d’être débordé de demandes peut engendrer une lassitude et un besoin de se protéger de certains aspects de la relation avec le patient. Certes, il ne s’agit pas pour le patient d’en rabattre de ses exigences, non plus que pour le médecin de mettre à distance le patient. Cependant, la mise à plat des besoins et des frustrations mutuelles au cœur de la relation médecin-patient peut au moins « désidéaliser » celle-ci et la rendre plus pragmatique, donc plus efficace et plus satisfaisante.
Faire en sorte que la relation survive aux insatisfactions
Concrètement, l’un des obstacles principaux à la mise à plat des attentes mutuelles tient au fait que la relation médecin-patient s’interrompt souvent dès lors que le patient n’est pas satisfait, ce qui laisse peu de place à l’échange au sujet des frustrations et des risques encourus pas le patient : « En pratique, le problème de la non-compliance est précisément que le dialogue entre le praticien et le malade n’existe plus : le patient non compliant se contente d’interrompre le traitement sans en référer préalablement à son médecin traitant. Le praticien n’aura ainsi que très exceptionnellement l’occasion de débattre de manière approfondie des conséquences de la décision du patient[1] ».
Pour le praticien, il s’agit donc d’essayer d’anticiper la rupture en veillant en continu à la fluidité de la relation avec le patient ; mais l’attitude la plus attentive atteint ses limites dès lors que le patient n’interroge pas ses propres attentes et ne les expose pas clairement au praticien pour que celui-ci en évalue et discute la pertinence. Le réalisme et le pragmatisme nécessaires à la relation médecin-patient passe par cette clarification, voire par le recours à des tiers (spécialistes, psychologues, psychiatres…).
Six conseils pour améliorer la relation médecin-patient
On a vu (volet VI de notre enquête) que le besoin d’être informé et écouté est sans doute l’un des plus fréquemment mis en avant par les patients. Dans la pratique, il n’est pourtant pas évident pour le praticien de savoir comment répondre à ce besoin et surtout de situer les justes limites qui lui permettront de ne pas être débordé. Des études recommandent aux médecins de se concentrer d’abord sur l’information, en apprenant à transmettre leurs concepts scientifiques sous une forme simplifiée, puis en expliquant les buts et les effets indésirables attendus de la thérapie, mais en intégrant autant que possible les attentes et les croyances du patient[2]. Cette attitude d’intégration rejoint ce que Carl Rogers appelle la « compréhension empathique[3] » ; ce principe est d’ailleurs valable aussi bien pour le praticien que pour le patient, puisqu’il permet d’une façon générale d’améliorer la communication avec l’autre. Le patient ne peut en effet exiger une considération qu’il ne dispense pas à son médecin, au risque de déséquilibrer d’emblée la relation. Le concept de Rogers de relation « person-centered » serait à appliquer constamment des deux côtés. Rogers recommande :
- Une attitude d’intérêt ouvert (disponibilité optimale, absence de préjugés) ;
- Une attitude de non-jugement ;
- Une intention authentique de comprendre autrui ;
- Une attitude de non-directivité dans le déroulement (c’est l’autre qui a l’initiative complète dans sa présentation du problème) ;
- Un effort continu pour rester objectif ;
- Une attitude de lucidité sur ces propres sentiments.
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Des conseils détaillés pour les différentes étapes de la consultation
Dans sa thèse, le Dr. Dedianne propose une synthèse[4] de séries de recommandations au médecin, notamment basée sur un article du Dr. A. Moreau[5]. Ces recommandations concernent plus spécifiquement le médecin, mais certaines pourraient s’appliquer au patient :
- Établir un accueil verbal, en prononçant le nom du patient et en se présentant s’il s’agit d’une première fois ; établir un contact visuel regarder en face ;
- Demander les motifs de consultation ; tâcher de connaître (en les respectant) les idées, croyances, représentations que le malade se fait de ses problèmes et de sa maladie ;
- Permettre d’exprimer les soucis et émotions, ainsi que les attentes ;
- Interroger sur les événements de vie ;
- Rythmer la consultation en expliquant régulièrement ce que l’on fait ;
- Donner les conclusions de l’examen clinique avec un vocabulaire adapté à la compréhension du patient ;
- Chercher une compréhension commune du problème (en reformulant si nécessaire) ;
- Informer sur le traitement et les prescriptions ; négocier plutôt qu’imposer ;
- Donner un avis, prudent, sur le pronostic ;
- Exprimer de l’empathie et utiliser l’humour ;
- Conseiller, avec modération, en s’adaptant au patient ; rassurer mais pas de manière systématique et prématurée ;
- Ne pas perdre de vue qu’il s’agit de soulager, moralement et physiquement ;
- Demander ponctuellement au patient s’il a d’autres questions ;
- Impliquer le patient, et éventuellement la famille, dans la résolution du problème ;
- Conclure la consultation de façon claire, sans oublier de dire au revoir.
Les formules et attitudes d’accueil et d’au revoir sont bien sûr valables pour le patient, mais aussi ce qui concerne l’empathie, l’humour, la capacité à appréhender les représentations du médecin, à demander à celui-ci s’il a d’autres questions, à négocier plutôt qu’imposer.
Certains patients réclament, à juste titre, de ne pas être traité avec condescendance, mais ils oublient souvent que le médecin est un être humain comme un autre et qu’il s’agit de ne pas le considérer comme un parent impressionnant, comme quelqu’un qui ne serait pas apte à comprendre et dont il faudrait combattre les préjugés. C’est au patient comme au médecin de travailler à l’égalisation de leurs relations.
Dr. Nguyen Phuong Vinh.
[1] Odile Pelet, « Nul n’est censé ignorer… comment réagir face à un patient non compliant », Rev Med Suisse, volume 1, 2005.
[2] J. P. Assal, « Bridges, why and from where to where? », Patient Educ Couns, 1995, n°26, p. 11-15.
[3] Carl Rogers, « The necessary and sufficient conditions of therapeutic personality change », Journal of Consulting Psychology, n°21 (2), 1957, p. 95–103 ; voir également Carls Rogers, « A Theory of Therapy, Personality and Interpersonal Relationships as Developed in the Client-centered Framework », dans S. Koch (dir.), Psychology: A Study of a Science, Vol. 3 (Formulations of the Person and the Social Context), New York, McGraw Hill, 1959.
[4] Marie-Cécile Dedianne, Attentes et perceptions de la qualité de la relation médecin-malade par les patients en médecine générale : application de la méthode par focus groups, Thèse de Médecine, Université de Grenoble, 2001, p. 17-18.
[5] A. Moreau, « Selon quels critères de qualité évaluer la relation médecin-malade ? », Rev Prat Med Gen, 1999, n°13 (477), p. 1835-1838.