Ce que les patients attendent de leur médecin... et vice-versa (XI) : Attentes et préjugés : comment suspendre son jugement au moment de la rencontre patient-médecin
Résumé : Par manque de temps et d’énergie, certains médecins regardent parfois tel patient comme un parmi d’autres, que l’expérience leur permet de classer globalement dans une catégorie. De même, le patient qui a vécu des expériences avec d’autres médecins ne peut souvent s’empêcher de comparer. Pour que la relation médecin-patient soit le plus fluide et efficace possible, il s’agit pourtant que les deux parties soient capables de mettre de côté leurs préjugés pour construire une relation nouvelle et assimilable à nulle autre.
La satisfaction du patient, une notion fuyante
L’objectif de la consultation médicale est bien sûr la satisfaction du patient, mais au sens profond, c’est-à-dire à la fois le soulagement de ses maux et le maintien de sa confiance dans la capacité du traitement à y parvenir. Quant à la satisfaction plus superficielle, à savoir le contentement immédiat et l’optimisme un peu vague que le patient peut retirer de son passage chez le médecin, il importe de s’en méfier, sans non plus discréditer ce qu’il peut révéler de la relation médecin-patient.
Le Dr. Dedianne rappelle bien que la satisfaction du patient se situe sur plusieurs plans et dépend de données assez diverses[1] :
- le vécu et état psychologiques du patient ;
- la comparaison qu’il effectue avec d’autres (bonnes ou mauvaises) expériences de consultation ;
- un regard rétrospectif (une semaine ou des mois après) posé sur les soins reçus.
Cela signifie que satisfaire les attentes des patients ne relève pas d’une mathématique impeccable et ne peut jamais être immanquablement obtenu en vertu d’une recette-miracle ou d’une relation médecin-patient idéale. Satisfaire le patient, c’est donc d’abord lui faire clarifier ses attentes, l’aider à réfléchir à leur pertinence et le rendre régulièrement attentif aux résultats concrets obtenus par le traitement.
Pour une meilleure alchimie médecin-patient : savoir mettre à distance ses représentations
Le point de vue du médecin sur un patient vient de son expérience avec un type de patients comparables (les femmes en désir d’enfant, les personnes âgées, etc.). C’est pourquoi, idéalement, le médecin devrait se défaire de ses croyances liées aux patients précédents, pour appréhender dans sa spécificité tout nouveau patient. Le patient devrait également abandonner ses croyances liées à ses expériences médicales (déceptions) précédentes pour arriver neuf face au médecin.
L’expérience a certes son importance, mais elle doit être chaque fois suspendue dans le face-à-face pour accueillir la nouveauté et les spécificités de l’individu, puis réactivée ponctuellement, par exemple chaque fois qu’il s’agit de faire un bilan, de tirer des conclusions. L’absence de préjugés au moment de la rencontre entre le médecin et le patient est capitale pour que l’alchimie possible entre les deux individus se produise. Autant que possible, le patient décide alors de faire pleinement confiance à l’approche du médecin, tandis que le médecin choisit de prendre totalement au sérieux le regard du patient sur ses maux.
- Contactez-nous au 01 45 25 35 14
- Écrivez-nous
- 224 Avenue du Maine Paris, 14ème
Écouter son inconscient
Cette suspension des préjugés n’est pas facile, car notre raison consciente a tendance à vouloir anticiper, classer, comparer, évaluer ; mais si nous sommes capables d’écouter les signaux qui remontent de notre inconscient, nous constatons que s’y trouvent des réponses que nous refusons de voir émerger.
Le patient qui s’interroge sur ce qu’il devrait faire pour aller mieux (abandonner telle habitude, telle fréquentation…), préfère ainsi souvent les réponses attendues par sa raison consciente et fait taire les réponses indésirables tapies dans son inconscient. De même, le médecin renonce parfois à explorer un détail ou une intuition difficiles à faire rentrer dans un cadre d’analyse précis, alors qu’il sait, au fond, ce qu’il devrait demander à un patient à ce sujet.
Il ne faut pas oublier aussi qu’il y a une temporalité de la relation médecin-patient : il y a un temps nécessaire pour que le médecin et le patient s’apprivoisent et que les solutions requises deviennent acceptables. Le médecin expérimenté qui voit clairement la solution aux maux de son patient doit savoir faire preuve de patience et de diplomatie : il doit parfois prendre le temps de faire peu à peu intégrer au patient les modalités du traitement, accepter les reproches des patients face à une amélioration forcément ralentie (tant que le traitement n’est pas complètement mis en place) et ne cueillir que tardivement les fruits du protocole de soins. Quant au patient, il doit avoir conscience que ses réticences initiales jouent un rôle dans la mise en place du traitement ; à mesure qu’il est mieux capable d’entendre le médecin, il deviendra également plus lucide sur l’importance de son investissement dans l’efficacité des soins.
Dr. Nguyen Phuong Vinh.
[1] Marie-Cécile Dedianne, Attentes et perceptions de la qualité de la relation médecin-malade par les patients en médecine générale : application de la méthode par focus groups, Thèse de Médecine, Université de Grenoble, 2001, https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-00784221/document