La dépression sous-diagnostiquée chez l’individu âgé

Le diagnostic de la dépression chez les personnes âgées est particulièrement délicat, car, bien souvent, les symptômes en sont banalisés par les soignants et l’entourage, car considérés comme normaux au-delà d’un certain âge. C’est toute une conception de la vieillesse qui favorise cette négligence, avec au premier plan l’idée que le bonheur ne va pas de pair avec la vieillesse, âge auquel il est normal d’être triste[1]. Par ailleurs, il est parfois plus difficile de distinguer une dépression chez les seniors qui ont tendance à se plaindre surtout de maux physiques ou de troubles de la mémoire ou de l’attention[2]. C’est pourquoi la dépression de la personne âgée est sous-diagnostiquée[3] ; on estime ainsi que si, pour la population globale, 40 % des cas de dépression ne seraient pas diagnostiqués chez le médecin de famille, ce taux atteindrait 70 % chez la population des plus de 80 ans[4].

Les symptômes et le diagnostic

D’une façon générale, on parle de dépression si les perturbations de l’humeur se manifestent de façon quasi permanente pendant plus de deux semaines et si elles affectent la vie quotidienne. Pour le diagnostic de la dépression chez la personne âgée, il existe des outils spécifiques, comme la GDS (Geriatric Depression Scale), composée de 30 articles[5]. Il existe aussi une mini-GDS, comportant 4 questions que le patient doit appliquer à la semaine écoulée :

1. Vous sentez-vous souvent découragé(e) et triste ?
2. Avez-vous le sentiment que votre vie est vide ?
3. Êtes-vous heureux(se) la plupart du temps ?
4. Avez-vous l’impression que votre situation est désespérée ?

=> Si le patient répond oui aux questions, 1, 2 ou 4 ou non à la question 3, il existe une très forte suspicion de dépression. S’il a répondu non aux questions 1, 2 ou 4 ou oui à la question 3, il existe une forte probabilité d’absence de dépression.

D’autres listes de symptômes plus complètes existent. Le diagnostic de dépression peut ainsi être constitué lorsque au moins 3 de ces symptômes sont présents pendant une période supérieure à deux semaines[6] ; lorsque 5 (ou plus) de ces symptômes sont présents, on peut parler d’épisode dépressif majeur :

• une humeur dépressive (tristesse, pessimisme), parfois absente chez la personne âgée ;
• une perte de la motivation et d’intérêt (aboulie), à distinguer de la perte des capacités fonctionnelles liées à l’âge ;
• une difficulté à éprouver du plaisir et des émotions en général (anhédonie) ;
• une perte d’estime de soi et un sentiment de culpabilité ;
• une fatigue, asthénie ;
• une indécision et/ou une diminution des capacités de concentration ;
• des pensées morbides (à distinguer des réflexions existentielles naturelles en fin de vie) ;
• des variations de poids (souvent une perte de poids chez le sujet âgé) ;
• des troubles du sommeil (souvent un réveil précoce le matin et des somnolences en journée) ou des troubles psychomoteurs (agitation ou ralentissement) ;
• d’autres symptômes comme l’isolement, la somatisation, les idées délirantes, les douleurs physiques, l’agressivité, la perte de la libido …

Une équipe de scientifiques de Louvain a recensé différentes dépressions chez les sujets âgés :

• la dépression mélancolique : souffrance morale, prostration, mutisme ;
• la dépression hypocondriaque associée à des maux physiques, avec souvent multiplication des consultations médicales ;
• la dépression délirante (délire paranoïaque, délire de jalousie, délire d’incurabilité, délire de négation d’organe) ;
• la dépression pseudo-démentielle (associée à d’importants troubles cognitifs) ;
• la dépression hostile (violences verbales ou physiques, harcèlement) ;
• la dépression anxieuse qui associe une anxiété généralisée (préoccupation et inquiétude permanente), souvent avec dépendance aux anxiolytiques (benzodiazépines notamment) et parfois à l’alcool ;
• la dépression conative (perte de motivation, désengagement affectif et relationnel).